Tablettes, téléphones, télévision… Dans les foyers, les écrans se sont installés partout, souvent entre les mains des plus jeunes. Pourtant, cette banalisation inquiète de plus en plus les spécialistes.
Mardi, cinq sociétés savantes françaises, dont la Société française de pédiatrie et celle de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, ont lancé un appel clair : avant six ans, les écrans devraient être totalement proscrits pour protéger la santé des enfants.
Depuis janvier, le carnet de santé des enfants fixe un premier cadre : pas d’écran avant trois ans et, entre trois et six ans, un usage rare, encadré et réservé à des contenus éducatifs. Un début. Mais selon les experts cités par l’AFP, ce n’est pas suffisant. Face aux connaissances scientifiques actuelles, ils estiment qu’il faut aller beaucoup plus loin : zéro écran jusqu’à six ans.
“Ni la technologie de l’écran, ni ses contenus, même dits éducatifs, ne sont adaptés au cerveau d’un enfant en développement”, rappellent-ils dans une tribune.
Des séquelles visibles dès la maternelle
Le constat est partagé par ceux qui travaillent au contact des enfants. Dans les classes, les enseignants constatent des troubles de l’attention, des retards de langage, une agitation difficile à canaliser.
“On voit tout de suite la différence”, témoigne Nathalie, professeure des écoles dans la Drôme, interrogée par l’AFP. “Les enfants surexposés aux écrans ont du mal à se concentrer. Pour les garder attentifs, il faut changer d’activité toutes les quinze minutes.”
Les inégalités sociales aggravées
Si toutes les familles sont concernées, les spécialistes soulignent que l’exposition précoce est encore plus forte dans les milieux défavorisés. Résultat : les écarts de développement s’accentuent dès la petite enfance.
Or, rappellent les experts, le cerveau des enfants a besoin d’interactions humaines, de jeux libres, d’activités créatives pour se construire harmonieusement, pas d’images lumineuses défilant sur un écran.
Des appels au changement restés lettre morte
Malgré la remise d’un rapport alarmant en 2023, peu de mesures ont vu le jour. L’association Pas à Pas l’Enfant déplore l’inaction face à un risque sanitaire bien documenté. Mardi, Gabriel Attal et le pédopsychiatre Marcel Rufo ont relancé l’alerte dans une tribune, plaidant pour un “état d’urgence contre les écrans” et réclamant des mesures concrètes : création d’un “addict score”, couvre-feu numérique, et bilans d’addiction dès l’entrée au collège.
Pendant ce temps, l’Australie a interdit l’accès aux réseaux sociaux pour les moins de 16 ans.
En France, la ministre de la Santé Catherine Vautrin s’apprête à annoncer de nouvelles mesures dans les prochaines semaines, selon ses services cités par l’AFP.
Les experts ne diabolisaient pas la technologie : ils rappellent seulement qu’elle n’a pas sa place dans les premières années de la vie. Lire une histoire, jouer dehors, construire des cabanes, imaginer des mondes… Voilà ce dont les enfants ont besoin pour grandir solides.