Cette année, Aïd Al-Adha ne sera pas célébré au Maroc. Une décision historique annoncée par le Roi Mohammed VI, le 26 février dernier, en raison de la chute significative du cheptel national. Conséquence directe sur le marché : les autorités ont ordonné la suspension de la vente de viande et d’abats de mouton, une mesure déjà visible dans plusieurs grandes surfaces du pays.
Dans les grandes surfaces comme Marjane et Carrefour, la viande de mouton a été retirée des rayons, ne laissant que la viande bovine à la vente. En visitant plusieurs points de vente, enSanté.ma a constaté que cette mesure concerne uniquement l’agneau et ses produits dérivés.
Selon les responsables interrogés sur place, la consigne est claire et émane directement des autorités. « Le Caïd est venu accompagné de son équipe pour nous demander de retirer toute la viande de mouton. La suspension devrait rester en vigueur jusqu’après Aïd Al-Adha », nous confie un responsable du rayon boucherie dans l’une de ces enseignes.
Jusqu’à récemment, certains packs combinant viande et abats se vendaient à plus de 2.000 dirhams. Une flambée des prix jugée préoccupante, à la fois pour le pouvoir d’achat des consommateurs et pour les conditions sanitaires liées à cette ruée soudaine.
Un marché parallèle instable et mal encadré
Mais la situation varie selon les points de vente. À Casablanca, dans des quartiers comme l’Oasis, le centre-ville ou encore 2 Mars, certains bouchers proposent encore de l’agneau, souvent sur commande. D’autres se concentrent exclusivement sur la viande bovine. Les prix des abats, eux, s’envolent : 600 dirhams aujourd’hui, jusqu’à 1.000 dirhams d’ici quelques jours, selon plusieurs commerçants.
En périphérie de la ville, la viande de mouton reste accessible, autour de 70 dirhams le kilo, mais les conditions de conservation et d’hygiène laissent à désirer.
La viande rouge en question : un risque pour la santé
Au-delà de l’aspect économique ou symbolique, la suspension de la vente de viande de mouton ravive un débat de santé publique souvent ignoré : notre rapport à la viande rouge, et en particulier aux abats, lors des grandes fêtes religieuses. À chaque Aïd, la consommation explose, souvent en très peu de temps, avec des repas riches, répétés et déséquilibrés. Or, les effets sur la santé peuvent être lourds, surtout pour les personnes déjà fragiles.
La viande rouge, consommée en excès, est associée à une augmentation significative du risque de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2, d’hypertension, et de certains cancers, notamment colorectal. Les abats – foie, cœur, rognons – sont particulièrement riches en cholestérol, en acides gras saturés et en purines, qui peuvent aggraver certaines pathologies comme la goutte. Leur digestion est également plus difficile, ce qui peut entraîner des troubles digestifs, notamment chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.
Un autre facteur de risque concerne les conditions de conservation. Dans un contexte où la demande explose en un temps très court, certains produits peuvent être mal stockés, transportés sans chaîne du froid ou exposés trop longtemps à des températures élevées. Cela augmente le risque d’intoxications alimentaires, souvent sous-estimé par les consommateurs.
Les professionnels de santé recommandent donc de modérer les quantités, de privilégier une cuisson adéquate, et d’éviter l’achat de produits dont l’origine ou les conditions d’hygiène sont douteuses. Manger de la viande rouge ne pose pas problème en soi. C’est l’excès, l’improvisation, et le manque d’information qui transforment une tradition en menace silencieuse pour la santé.
Appel au calme et à la responsabilité collective
Face à cette pression sur le marché, des associations de consommateurs invitent à la retenue. Leur message est simple : ne pas céder à la panique ni encourager la spéculation. Acheter par précaution, c’est aussi nourrir l’augmentation des prix.
Dans ce contexte tendu, la décision des autorités apparaît comme une mesure de bon sens, visant à contenir les dérives et à protéger à la fois la santé publique et le pouvoir d’achat. Pour beaucoup de Marocains, cette suspension a des airs de rupture avec les habitudes. Mais elle ouvre aussi une réflexion nécessaire sur notre rapport à la viande, à la consommation et à la responsabilité collective.