Influenceurs et produits non homologués : un danger croissant pour la santé des Marocains

Au Maroc, un marché parallèle se développe à grande vitesse sur les réseaux sociaux, porté par des influenceurs sans formation médicale qui vantent des produits amaigrissants, des poudres pour grossir, des tisanes dites « miracles » ou encore des crèmes censées remodeler le corps. Le point commun de ces produits ? Ils ne sont ni contrôlés, ni homologués, et certains contiennent même des substances interdites.

Le phénomène, jusqu’ici toléré, vient de prendre une tournure plus grave avec la récente arrestation, de « S.T. », une influenceuse bien connue, accusée de vendre des cosmétiques non autorisés et dangereux pour la santé.

Une affaire révélatrice d’un système hors de contrôle

L’arrestation de l’influenceuse bien connue à Inzegane, en mars dernier, a mis au jour une pratique inquiétante : des produits cosmétiques vendus comme naturels, portant un faux cachet d’autorisation, auraient été écoulés dans son magasin et via ses réseaux sociaux.

Libérée sous caution de 20.000 dirhams, l’influenceuse doit comparaître le 28 mai 2025, selon les informations relayées par nos confrères chez Madar21. Elle affirme que le marquage frauduleux aurait été effectué à son insu, par un employé.

Ce cas n’est pas isolé. Sur TikTok, Snapchat et Instagram, des contenus similaires circulent massivement. On y voit des jeunes femmes recommander des « لحسة صحراوية » (un mélange traditionnel souvent non contrôlé, censé stimuler l’appétit ou faire grossir), ou des poudres supposées augmenter le volume de certaines parties du corps. Le danger n’est pas seulement dans la vente, mais dans la confiance aveugle accordée à ces personnalités, suivies par des milliers d’abonnés, principalement des adolescentes et jeunes femmes.

Un danger de santé publique !

Dans un échange pour mettre plus de lumière sur le sujet, enSanté.ma a fait appel au Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques de santé, qui parle d’une situation alarmante. « Aucun produit ne peut faire grossir une partie spécifique du corps. C’est un mensonge. Et ceux qui les promeuvent exposent les gens à des risques graves », explique-t-il.

Selon lui, certains produits vendus en ligne contiennent des corticoïdes vétérinaires, utilisés pour engraisser le bétail. Injectés ou consommés par l’humain, ils peuvent provoquer des troubles hormonaux, du diabète, de l’hypertension ou encore des complications hépatiques.

Et le contexte marocain aggrave la menace : un adulte sur quatre est obèse, trois sur cinq sont en surpoids. Encourager artificiellement la prise de poids ou la modification corporelle sans suivi médical, c’est alimenter une spirale vers les maladies chroniques.

Des influenceurs aux pratiques illégales mais lucratives

Si ces contenus se multiplient, c’est parce qu’ils rapportent. Les influenceurs, souvent rémunérés pour vanter des produits douteux, bénéficient d’une visibilité massive. En face, les professionnels de santé manquent de moyens pour sensibiliser et contrecarrer ces discours.

« C’est un commerce bien organisé, avec des stratégies marketing puissantes. Ceux qui veulent informer le public le font avec peu de ressources. C’est un combat inégal », souligne le Dr Hamdi.

Réglementer, contrôler, sensibiliser : une urgence sanitaire

Face à cette situation, plusieurs voix appellent à une régulation stricte du contenu santé sur les plateformes. Il ne s’agit pas seulement d’interdire, mais de protéger le consommateur marocain, en s’assurant que tout produit promu en ligne respecte les normes sanitaires en vigueur.

Cela implique une action coordonnée entre les ministères de la Santé, de la Communication et du Commerce, mais aussi une collaboration avec les grandes plateformes numériques. Les influenceurs qui trompent le public devraient répondre de leurs actes devant la justice, conformément à la loi 31.08 sur la protection du consommateur, qui sanctionne sévèrement la publicité mensongère.

Le bon réflexe : ne jamais acheter un produit santé sans avis médical

Au-delà des sanctions, l’éducation reste l’arme la plus efficace. Les consommateurs doivent apprendre à se méfier des solutions faciles. Un produit non homologué, même s’il est recommandé par une célébrité, peut nuire gravement à la santé.

L’affaire de l’influenceuse d’Inzegane doit servir de signal d’alerte. Derrière un packaging séduisant ou un post Instagram, c’est parfois la santé qui se joue. Et dans ce jeu, mieux vaut prévenir que guérir.

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