Chaque année, avec l’arrivée du mois de Ramadan, les habitudes alimentaires des Marocains évoluent. Les repas pris après le coucher du soleil et avant l’aube sont souvent plus riches et plus variés. Entre plats traditionnels et gourmandises sucrées, l’alimentation se veut festive, mais elle n’est pas sans risques.
Cette période est marquée par une forte demande en produits alimentaires, une préparation anticipée des repas et une consommation accrue de produits vendus dans la rue. Or, ces pratiques favorisent l’augmentation des cas d’intoxications alimentaires. Quels sont les dangers auxquels s’exposent les consommateurs et quelles précautions adopter pour limiter les risques ?
Pourquoi le risque d’intoxication alimentaire augmente en Ramadan ?
Durant le mois de jeûne, plusieurs éléments contribuent à une recrudescence des troubles digestifs liés à l’alimentation. Parmi les principales causes :
- Mauvaise conservation des aliments : beaucoup de plats sont préparés plusieurs heures avant d’être consommés, parfois dans des conditions qui favorisent la prolifération des bactéries.
- Produits alimentaires vendus dans la rue : les vendeurs ambulants proposent des plats préparés dans des conditions d’hygiène souvent discutables.
- Afflux massif dans les marchés : la forte demande pousse certains commerçants à négliger la qualité et la traçabilité des aliments mis en vente.
- Faibles défenses immunitaires après le jeûne : après plusieurs heures sans manger, le système digestif est plus vulnérable aux infections.
Quels sont les aliments les plus concernés ?
Certains aliments sont particulièrement sensibles aux contaminations lorsqu’ils sont mal conservés ou mal cuits. Parmi eux :
- Les viandes insuffisamment cuites, notamment les brochettes et grillades achetées à l’extérieur.
- Les produits laitiers et les œufs, qui peuvent devenir des vecteurs de bactéries s’ils ne sont pas stockés correctement.
- Les jus et boissons artisanales, souvent vendus sans respecter les normes d’hygiène.
- Les pâtisseries traditionnelles, comme la chebakia et le sellou, qui peuvent être manipulées sans précautions sanitaires suffisantes.
- Les dattes et fruits secs, qui peuvent développer des moisissures toxiques en cas de stockage inadéquat.
Quels sont les signes d’une intoxication alimentaire ?
- Les intoxications alimentaires se manifestent généralement par :
- Des douleurs abdominales et des crampes
- Des nausées et des vomissements
- Une diarrhée accompagnée parfois de fièvre
- Une sensation de fatigue et des maux de tête
Dans certains cas, une déshydratation peut survenir et nécessiter une prise en charge médicale. Il est donc essentiel de ne pas négliger ces symptômes et de consulter un professionnel de santé en cas de persistance.
Pour mieux comprendre les défis liés à la sécurité alimentaire durant le Ramadan, enSanté.ma s’est entretenu avec Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits des consommateurs (FMDC).
enSanté.ma : Chaque année, durant le Ramadan, on observe une recrudescence des cas d’intoxications alimentaires au Maroc. Quelles sont, selon vous, les principales causes de ce phénomène ?
Bouazza Kherrati : Le mois de Ramadan arrive souvent avec une cohorte de problèmes pour le consommateur non averti. Un mois de jeûne et de spiritualité est devenu, au fil du temps, un mois de goinfreries et de malbouffe. Le consommateur, aveuglé par la faim, fonce sur l’achat de produits alimentaires exposés dans des conditions non sanitaires. L’attrait devient instinctif et est souvent renforcé par une baisse de prix dérisoire. Après consommation, il se retrouve à l’hôpital ou cherche une pharmacie pour soulager son indigestion, voire une intoxication alimentaire aiguë.
Quant aux intoxications chroniques, liées aux substances nocives ajoutées frauduleusement aux produits alimentaires pour prolonger leur conservation, il faut attendre entre 5 et 15 ans avant d’en constater les effets.
enSanté.ma : Dans plusieurs villes, on trouve des vendeurs proposant des jus dans des bouteilles en plastique recyclées, des aliments sans emballage ou encore du poisson exposé à l’air libre. Quels sont les risques sanitaires liés à ces pratiques et comment y remédier ?
Bouazza Kherrati : La vente des produits alimentaires dans les circuits informels constitue une atteinte au droit à la santé (Constitution de 2011). C’est un secteur en plein développement qui pénalise à la fois le consommateur et l’État.
enSanté.ma : Les repas de ftour servis dans la rue ou dans des établissements non contrôlés connaissent un succès grandissant. Quelles précautions les consommateurs doivent-ils prendre pour éviter les intoxications ?
Bouazza Kherrati : Le consommateur se retrouve souvent arnaqué sur le poids, l’origine des produits, leur salubrité et leur conformité. Quant à l’État, ce circuit fait circuler des milliards de dirhams en cash sans aucun prélèvement fiscal.
En matière de salubrité, l’usage d’emballages plastiques provenant des poubelles, des centres d’hémodialyse et des contenants de pesticides est un véritable vecteur de maladies et de substances cancérigènes pour le consommateur.
Les opérations de ftour offertes aux vagabonds, mendiants et autres démunis reflètent les bonnes intentions des musulmans. Cependant, les conditions de préparation doivent répondre à un minimum d’hygiène pour éviter les intoxications alimentaires.
enSanté.ma : Le contrôle des produits alimentaires semble insuffisant face à l’ampleur du commerce informel. Quels leviers les autorités devraient-elles actionner pour mieux protéger les consommateurs ?
Bouazza Kherrati : Le contrôle des produits alimentaires soulève toujours une grande polémique, surtout durant le mois de Ramadan, comme si le consommateur jeûnait 11 mois et ne mangeait qu’à cette période. À travers le monde, le concept du contrôle a évolué. Il repose aujourd’hui sur la traçabilité des produits et la maîtrise des circuits de distribution.
Au Maroc, plusieurs départements s’en occupent, mais aucun n’en est véritablement responsable. De ce fait, la création d’une structure indépendante chargée de la protection du consommateur s’avère indispensable et primordiale, d’autant plus en vue de la Coupe du monde de football.
enSanté.ma : Quels conseils donneriez-vous aux Marocains pour limiter les risques d’intoxication alimentaire durant le Ramadan, que ce soit chez eux ou à l’extérieur ?
Bouazza Kherrati : La Fédération marocaine des droits du consommateur a toujours recommandé aux citoyens d’éviter les circuits informels. Car, au final, ils y perdent plus qu’ils n’y gagnent.
Quelles précautions adopter pour éviter une intoxication alimentaire ?
Quelques gestes simples permettent de limiter les risques :
Éviter les excès : Un organisme affaibli par le jeûne est plus sensible aux infections alimentaires.
Consommer des produits frais et bien cuits : Éviter les plats laissés trop longtemps à température ambiante.
Respecter les conditions de conservation : Maintenir la chaîne du froid et ne jamais recongeler un aliment déjà décongelé.
Acheter avec discernement : Privilégier les commerces respectant les normes sanitaires et éviter les vendeurs ambulants douteux.
Se laver régulièrement les mains : Avant et après la préparation des repas.