Les écrans sont devenus les nouveaux terrains de jeu des adolescents, mais cette omniprésence numérique s’accompagne d’un mal plus discret. Une étude menée en Europe révèle que le climat social imposé par les réseaux contribue à fragiliser les amitiés à un âge où les relations sont essentielles.
L’article intitulé “Digital stress and friendship conflict in adolescence: the role of perceived norms and features of social media” explore l’impact du stress numérique sur les conflits amicaux chez les adolescents. Les auteurs, Federica Angelini et Gianluca Gini de l’Université de Padoue, ont mené une étude auprès de plus de mille adolescents, âgés de 15 à 17 ans. Ce qui en ressort : la pression de rester disponible, de réagir vite, de suivre les règles non écrites des plateformes, engendre un stress bien réel. Invisible à première vue, ce stress s’installe dans les échanges quotidiens et finit par alimenter des tensions entre proches.
Deux leviers sont pointés du doigt. D’un côté, les normes sociales perçues : ces attentes implicites qui dictent les comportements en ligne, comme répondre instantanément ou maintenir une activité constante. De l’autre, les mécanismes des plateformes elles-mêmes, conçues pour capter l’attention et stimuler l’engagement visuel, souvent au détriment du bien-être mental.
Dans ce contexte, les malentendus se multiplient. Un message ignoré, une story non likée, une absence prolongée… et l’équilibre d’une relation vacille. Ce ne sont plus des disputes classiques qui provoquent des ruptures, mais des signaux numériques interprétés comme du rejet.
Ces constats trouvent un écho particulier au Maroc, où plus de 80 % des jeunes de 13 à 18 ans utilisent activement les réseaux sociaux, selon les données de l’ANRT (enquête sur l’usage des TIC pour la période 2023-2024). Le numérique y est solidement ancré dans les habitudes des adolescents. D’où l’importance de mieux comprendre l’effet de cette hyperconnexion sur les liens d’amitié et la stabilité émotionnelle. La question de la santé mentale, bien que de plus en plus présente dans le débat public, reste un enjeu à approfondir, notamment chez les plus jeunes.
Ce phénomène, encore peu reconnu, a pourtant des effets tangibles : anxiété, perte de confiance, isolement. La santé mentale des jeunes, déjà mise à l’épreuve par d’autres pressions, trouve dans le monde connecté un terrain supplémentaire de vulnérabilité.
Réagir devient essentiel. Pas en interdisant les écrans, mais en repensant leur usage. En aidant les adolescents à poser des limites, à comprendre les codes numériques et à distinguer le virtuel de l’intention réelle. En leur offrant aussi des espaces pour parler de ce qu’ils vivent en ligne.
La technologie ne disparaîtra pas de leur quotidien. Mais c’est à la société, aux éducateurs, aux parents, de leur apprendre à l’apprivoiser, pour qu’elle reste un outil et non une source d’isolement.