Zyn : alternative au tabac ou nouveau piège de la nicotine ?

Depuis quelques semaines, un petit objet discret suscite un vif engouement dans certains cercles au Maroc : Zyn, un sachet de nicotine à placer sous la lèvre, sans tabac ni fumée. Commercialisé par le groupe Swedish Match, filiale de Philip Morris International (PMI), ce produit venu du Nord de l’Europe fait son apparition dans les grandes villes marocaines, surfant sur une image moderne, “clean” et prétendument moins nocive que la cigarette. Mais derrière ce marketing bien huilé, les questions s’accumulent, notamment sur ses effets réels sur la santé, sa légalité et son attrait croissant chez les jeunes.

Contrairement aux cigarettes classiques, Zyn ne dégage pas de fumée, n’irrite pas les voies respiratoires, et ne laisse aucune odeur. Une apparente innocuité qui séduit, notamment les fumeurs en quête d’alternatives. Pourtant, les professionnels de santé mettent en garde : la nicotine reste une molécule fortement addictive, et son absorption rapide par voie buccale peut avoir des effets aussi nocifs, voire plus insidieux, que la combustion du tabac.

Un marché sans régulation spécifique

Actuellement, le Maroc ne dispose pas d’un cadre réglementaire adapté spécifiquement pour encadrer ce type de produits. Toutefois, la Régie Nationale des Tabacs et Allumettes (RNTA) contrôle strictement leur importation et commercialisation. Une taxe intérieure de consommation (TIC) existe déjà : par exemple, une taxe de 220 dirhams par kilogramme s’applique pour les substituts nicotiniques sans tabac comme Zyn. De plus, la législation actuelle interdit strictement de fumer et vapoter dans les lieux publics fermés, et prévoit des amendes pour les contrevenants.

Cette absence de régulation spécifique soulève des inquiétudes sur la commercialisation, notamment auprès des jeunes, une cible particulièrement vulnérable aux stratégies marketing. Zyn est proposé dans des saveurs attractives comme “Cool Mint” ou “Spearmint”, et se décline en plusieurs dosages de nicotine. En magasin, la boîte de 15 sachets est vendue à 35 dirhams, mais sur le marché parallèle, certains détaillants en écoulent à l’unité à 10 dirhams, selon ce que nous avons pu constater, rendant le produit encore plus accessible, y compris aux mineurs. Le format discret et l’effet de nouveauté accentuent son attrait auprès des adolescents, souvent peu informés des dangers liés à la nicotine.

Par ailleurs, la stratégie marketing adoptée par la marque sur les réseaux sociaux inquiète : un concours récemment lancé par la marque permet de gagner un smartphone dernier cri et divers accessoires. Une initiative qui pourrait encourager indirectement la consommation du produit, notamment chez les jeunes internautes séduits par ces offres attractives.

À partir de 2025, une obligation d’apposer des marques fiscales sur les emballages est prévue, avec un étiquetage et un scellage réglementaires obligatoires dès 2026.

Quelle réalité sanitaire pour Zyn ?

Si les bénéfices potentiels du produit dans la réduction des risques liés au tabac sont réels, ils ne doivent pas occulter les dangers de la nicotine en tant que telle : dépendance, risques cardiovasculaires, et impacts possibles sur le cerveau des adolescents en développement.

En l’absence de données locales approfondies sur l’impact sanitaire de Zyn, les autorités marocaines et le secteur de la santé se trouvent face à une équation complexe. Entre prévention des dangers du tabac et introduction d’une nouvelle substance addictive sur le marché, la vigilance reste indispensable.

L’avis du Dr Tayeb Hamdi : alerte sur les dangers de la “kala” moderne

Sollicité par enSanté.ma, le Dr Tayeb Hamdi, médecin chercheur en politiques et systèmes de santé, met en garde contre les effets sanitaires graves de ces nouveaux sachets nicotinés, qu’il compare à une version modernisée et plus dangereuse de la “kala” (tabac à chiquer).

Il explique que contrairement aux patchs ou gommes nicotiniques dont le dosage est maîtrisé, ces produits administrent une quantité de nicotine estimée jusqu’à trois fois supérieure à celle d’une cigarette. Cette surdose peut générer une dépendance fulgurante.

Le danger, selon lui, réside également dans le contact direct et prolongé avec la gencive, qui peut provoquer des inflammations, des lésions irréversibles et, à terme, des cancers de la langue, de la bouche ou encore de la vessie. « L’absorption rapide de nicotine impacte directement le sang et les organes vitaux, augmentant les risques d’accidents cardiovasculaires, de tension et d’AVC », précise-t-il.

Le Dr Hamdi insiste aussi sur l’idée fausse selon laquelle ces produits pourraient aider à arrêter de fumer. Bien au contraire, ils renforcent la dépendance, notamment chez les jeunes. Il dénonce une addiction déguisée, intensifiée par l’ajout de parfums artificiels et d’additifs favorisant l’absorption. Selon lui, ces sachets nicotinés constituent une menace comparable, voire plus pernicieuse que la cigarette traditionnelle.

Recommandations pour le Maroc

Des professionnels de santé appellent donc à un encadrement rigoureux, à une large campagne de sensibilisation du public, ainsi qu’à la mise en place d’études scientifiques indépendantes pour évaluer précisément les effets sanitaires de Zyn. Ils recommandent également d’interdire la vente au détail, de restreindre la commercialisation aux personnes majeures, et de renforcer les contrôles autour des points de vente informels.

L’arrivée de ce produit doit impérativement s’accompagner d’une politique claire et préventive, capable de protéger efficacement la santé publique tout en informant honnêtement les consommateurs marocains.

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